Les Trains






Réseau de lignes
Réseau de bavardages
Dos au but, le voyage
Le voyage à l'envers
Les voix
Les détails qui ont fondu dehors
Les détails qui chauffent lentement dedans
Livrés au bon vouloir
Des rails
Les petites affaires de migrateurs
Tièdes, rassemblées sous la vigilance sans faille
De la possession
Gâtisme
Hypocondrie
Relaxation
Pharyngite
Danse immobile au creux des vagues lisses de la vitesse
Le wagon suit son fracas
Et nous prend dans sa filature
Dormir
Rêver
Attendre que la voix du voisin s'enfonce
Dans le silence de ce vacarme des aciers qui brûlent
Tant attendu
Départ
Attention
Fermeture des portes sur tout ce qui nous reste
Arrachements
De dos, de face
Partis






Un mois de 2010


Fenêtre





La baie reste ouverte, jour et nuit
Les pouls pondérés battent, la nuque concentrée sur ses ellipses
Tout est doux. Tout est doux
Maintenu frais par l'insatiable curiosité qui déshabille le monde
Les comptes ont été faits, refaits par zèle
C'est là, on est arrivé
C'est là, cette absence d'impatience
La certitude que l'attente n'était qu'une ébauche
Il s'agissait d'y profiler la matière du temps
Les phalanges serrées sur la tâche
Toujours frôlant le presque de l'idée
La baie pourtant reste ouverte, jour et nuit
Du fond des somnolences et des stupéfactions
Résonne encore et pour toujours sans doute
Le petit appel sans objet
La demande vaine et l'éclat qu'elle avait







Avril 2016

Principes












Jour après jour, j'enfoncerai le sommet de mon crâne
Au plus profond de la nudité
Jour après jour, mon ascèse
La vertu cinglante de l'exactitude
Dans l'océan des particules inutiles
Les déferlantes
Je garderai grand-ouverts les yeux sous leur sel
Quoi qu'il en coûte du doux-sucré
Le choix presque gaiement fatal est fait
De défier les illusions et de guetter, discrets
Les scintillements rares des axiomes
S'imposant comme le rythme des peurs sacrées
Le moteur bleu du doute
Rien ne sera jamais pénétrable
Des simulacres de l'Autre
Et de continuer à lui ouvrir les bras
Avec au fond de sa fuite
Le souhait d'entendre un appel
Jour après jour, de loin, j'écoute
Les bâillements de l'ennui sous l'écorce









Avril 2016
















L' endroit













Oh entends, entends ce que j'attends
Une quiétude que les mains aimables auront tissée
Autour de la répétition
L'arrivée au bercail des idées assagies
Laissant au monde sa bave et son envie
Un point d’atterrissage au cœur de l'essai
Mûri, mûri au long cours
Dans les soutes de ma  patience
Je sais cet abouti
De tant d'heures peut-être la fin
Résonnant depuis si longtemps
Au timbre de l'importance
Le dérisoire est ailleurs
Ici les vides sont faits, ici, seule la présence
De celui qui a vu en moi et encore me veut
Prise au fil de l'âge et amusée
J'y suis sans hésiter
Maintenant sans hésiter
Après avoir pesé l’évidence
Une entrave qui ne cèdera jamais à la morsure du temps
Qui me retient liée à mon vieux vœu sacré
La teneur incorruptible d'un tel attachement
L'unique. L'indomptable






Avril 2016










Suspension











Une déchirure sur la toile des destins
Pas regarder à droite
Plus qu'à l'avant
J'attends sans bouger le signe
Le claquement de doigt des appels
Où une fois dans l'éternité, l'autre viendrait donner son courage
Prendre entre les phalanges ses pastels et les mêler aux miens
Qui sait, me dire
Un blanc sur les lignes ombrées de lettres
Une attente à peine viscérale, plutôt tranquille
Comme une baie ouverte sur de longues possibilités
Des coups du sort, des sonneries surprenantes
Quelque chose qui me place
À ma place
Et  j'approuverais
Un manque à savoir
Que faire de moi pour soi
L'annuaire est lourd des occasions possibles
Sans frénésie
Et l'ongle ne pointe que vers l'indécis
Du dessein
Demain, je dis
Demain
Et le jour s'en va et je ne viens pas
Là où on m'attendrait
Parce que je ne la sais pas
La douce attraction des fuites vers l'au-delà








Mars 2016













Poules politiques







Des branches alourdies par l'attente
Des vents arrogants
Un apprentissage difficile de la récolte
Et des mystères endormis dans l'humus
Des aubes rutilantes
Des aubes grotesques
Le silence
Le silence ému par les frottements
Par les ailes impatientes d'oiseaux rares
Le silence qui se déploie
Et celui qui écoute
Une étonnante ligne de renouveau
Disponible à qui veut s'oublier
Sur les râles des mondes épuisés
Fermer la porte
Ne plus compter sur rien que le rythme précis des nuits
Tresser la politique entre les mains de celui qui m'attend
Pour envelopper les rêves de repli
Au matin, traverser la cour craquant de gel
Suivie par le bastion des poules insoucieuses
Gallinacés en or qui aussi attendaient
Innocentes
Et dont j'observe
Comme si je les avais toujours connues
Les vies secrètes





Mars 2016










Bilan





On agitait déjà les menottes
Espérant tracer dans l'indifférence de l'air un signe qui nous accroche
On agitait légèrement les bras pour des étreintes précieuses
Et les têtes pour donner des accords
On avançait à pas comptés
Mis assis, mis debout
Observant un peu à l'arrière
Les flaques, où l'on s'était regardé dans les yeux, avant
On y croyait parce que c'est utile
On avait à craindre peu puisque tout était dit
Des longues pensées amères de l'amour ingrat
On avait suffisamment cicatrisé aux angles
Mais l'eau n'est pas toujours fraîche
Ni les embruns salés au lointain
S'ouvrent l'inutile et l'inachevable
L'espoir dévissé et les savoirs prudents
On dit peut-être pas
On reste aimable
On sait que c'est trop tard
Cette fois
Ce sera encore pour une autre fois





Février 2016








Legs







De battement d'aile en claquement de porte
Les voies d'accès se croisent
Les pistes anciennes ont été abandonnées
Restent encore les traces d'un vieux sang absorbé par l'asphalte
Ce qui se dessine a la forme d'un héritage
J'avais écrit le testament trop tôt
Pas su rassembler ce à quoi je devais prétendre
Pas su défendre ce que je pouvais donner
Je ne savais pas encore lire
Je n'ai pas assez bien refusé
L'insolence de la possession
Sa négligence aussi





Février 2016



Mains au noir








Quelques vagues là-bas
Lignes croisées sur un horizon indéfinissable
J'ai appris à te lancer des mots en silence
Je te lance au loin des mots
Les mêmes qui
  Autour de ma taille flottaient comme une bouée
Contre les noyades renouvelées
J'entends leur chute dans ta mousse
Et puis j'attends
Le fil est tendu, le fil est dur
L'envie de le tenir entre les dents tenace
Je te mesure à l'aune de tes aveux
Ne pas laisser pousser 
Contre les échafaudages transatlantiques
Les liserons de l'anticipation
Laisse-moi m'évaluer
Laisse-moi rassurer mes secrets
L'histoire est exubérante
Ma mémoire saturée
Nous verrons
Nous nous verrons
Sans doute pour mieux nous adopter
Sans se reconnaître
 Condamnés pour toujours à l'étonnement
Entreprendre une nouvelle fois
Les prémisses des balbutiements






Février 2016




Combustible Courroux







Les éruptions sont rares
La lave est engourdie 
Un peu d'irritation cimente mes mâchoires
 Sous elles crisse une erreur 
L'idée d'une conte calciné par son inconvenance
Il est des actes incommensurables sur la durée 
Des égarements sans conclusion
Que l'oubli
Mais où, l' oubli quand là où se ranime la mémoire
Est l'étuve même des affronts 
Une renaissance dans la fournaise des grands torts 
La Cosa Nostra cachectique de la dignité retournée 
Que l'ampleur d'une nouvelle aventure soit l'azote de cette braise
Lentement s'efface de la nécessité
Qu'un autre oublie à ma place ce qui m'est ignifiable
Les vieux outrages baroques et les outrecuidances
Éteigne d'un glaire précis la flamme des promesses inconnues
 Qu'un autre oublie pour moi 
À l'entrée de cet enfer de seconde classe
Là où les semelles de plomb du mensonge
Ont tant piétiné la réparation
Et le deuil bleu qui l'accompagne
Qu'un autre pour ce qu'il est, pas plus 
Lâche sur moi les jets humides de son ignorance
Enfin
Les jets tièdes aussi






Février 2015

Réveils alizéens











Au cours de ces quelques matins, sans effort
S'est évanoui l'ancien testament
Que j'avais lu jusqu'à en brûler les pages, aux angles
Et qui m'accompagnait de sa pesanteur au réveil
Le temps, rituel jusqu'à ses tréfonds
Dans l'effacement de son débit
Puis, donc, sans vraiment prendre garde, s'est allégé ce pli
Et l'entrée dans les heures a pris à mon insu
Le rythme un peu désuet des pas de valse
Un nouvel accès de candeur ?
Bouche fermée, je chantonne en apnée
Bien sûr l'arme est encore humide sous l'oreiller
Et les scansions maintenant si anodines n'empêchent pas de regarder derrière
L'avant pourtant est ainsi fait
Que je suis maintenant dans l'après
Mais que, aux aubes, je n'y crois guère








Février 2016

































Février 2016